Molompize, 17 juillet 2022 / Molompize, July 17, 2022
ARTEFACTS
Ce sont de vieilles façades fatiguées, écornées, rebouchées, délavées, à vendre. Les enseignes ne s’affichent plus, elles témoignent. Des lettres sont tombées, disparues. Parfois les toiles d’araignées ont envahi les devantures, à l’arrière des cartons gisent sous des présentoirs démodés. Le balai est resté posé là où l’a laissé le dernier propriétaire, contre un mur. Au sol un vieux magazine traîne, le chanteur en couverture est mort.
Espaces dépouillés, elles ne vivent plus, elles ne bougent plus. L’activité s’est arrêtée, il reste le froid humide de la solitude et de l’impuissance après la liquidation totale.
Le boulanger a pris sa retraite. Le boucher a trouvé un job dans la zone commerciale en périphérie de la métropole, à midi il déjeune vite fait à la cafétéria voisine. Le café ne reçoit plus les joueurs de belote du samedi soir ni les rires des jeunes gens debout au comptoir. Depuis longtemps la salle de restaurant a viré au bazar où l’on entrepose ce qui avant montait au grenier.
L’épicière ne fait plus la conversation, Je vous rajoute une pomme, c’est pour le petit, tout en emballant les marchandises. Personne ne pousse plus sa porte le rideau métallique est en sursis.
Au bout de la grande rue déserte, la vitrine de l’ancienne mercerie est décorée de cartes postales anciennes du village quand l’hiver il neigeait encore. Derrière les tentures fanées l’échoppe est devenue logement. A deux pas, la dernière pharmacie demeure toujours ouverte, pour quelques mois seulement. Avant fermeture définitive.
Après, il faudra prendre la voiture pour se soigner.
Eric Cabanis / Janvier 2024
These are old, tired facades, scratched, recapped, faded, for sale. Signs are no longer displayed, but bear witness. Letters have fallen off, disappeared. Sometimes cobwebs have invaded the storefronts, and behind them, cardboard boxes hang out under old-fashioned displays. The broom sits where the last owner left it, against a wall. An old magazine lies on the floor, the singer on the cover dead.
Spaces stripped bare, they no longer live, they no longer move. The business has stopped, what remains is the damp cold of solitude and powerlessness after total liquidation.
The baker has retired. The butcher has found a job in the commercial zone on the outskirts of the metropolis, and at midday he has a quick lunch in the neighboring cafeteria.
The café no longer welcomes Saturday night belote players or the laughter of young people standing at the counter. The dining room has long since become a bazaar for storing things that used to go up into the attic.
The grocers no longer make small talk, I’ll throw in an apple for the kid, while packing up their wares. No one pushes open her door any more, and the metal curtain is on borrowed time.
At the end of the deserted high street, the window of the former haberdashery is decorated with old postcards of the village when it was still snowing in winter. Behind the faded hangings the shop has become a home. A stone’s throw away, the last pharmacy is still open, but only for a few months. Before closing for good.
After that, you’ll have to take the car to get treatment.
Eric Cabanis
January 2024