Sophia El Mokhtar, « La Bambina »
J’ai croisé Sophia El Mokhtar dans une manifestation le 9 janvier 2020, c’est là qu’elle m’a remis sa carte de visite où figurait le lien vers son site internet. Intéressé par ses performances, je l’ai recontacté par mail pour lui proposer de faire une série de photos. Sophia m’a aussitôt répondu, « les photos pourraient porter sur la transformation de moi en mon personnage : La Bambina.«
Ces images ont été réalisées dans son atelier à Lieu Commun à Toulouse le 16 janvier 2020. Sophia a bien voulu m’offrir ce texte « Texte 231 – des êtres pénétrants » en guise de légendes photo
I met Sophia El Mokhtar in a demonstration on January 9, 2020. She gave me her business card with the link to her website. Interested in her performances, I contacted her again by email to propose her to make a series of photos. Sophia immediately replied, « The photos could be about the transformation of me into my character: La Bambina. »
These pictures were taken in her studio at Lieu Commun in Toulouse on January 16, 2020. Sophia was kind enough to offer me this text « Texte 231 – des êtres pénétrants » (Text 231 – penetrating beings) as photo captions
Sophia El Mokhtar, « La Bambina »
Texte 231 – des êtres pénétrants
« C’est encore au café-restaurant de la Piazza di San Silvestro, en observant lo spettacolo d’arte di questi uomini, que j’ai réalisé que je suis un homme italien dans mes performances. C’est à dire à la fois “rentre dedans” et “ondulant”, à la fois “brutal” et “charnel”, “pénétrant” et “suspendu aux regards”, “grossier” et “raffiné”, “soumis à son genre” et “interprète d’une danse personnelle”, “esclave” et “créateur”. »
« It was again at the café-restaurant in Piazza di San Silvestro, watching the spettacolo d’arte di questi uomini, that I realized that I am an Italian man in my performances. That is to say, at the same time « entering » and « undulating », at the same time « brutal » and « carnal », « penetrating » and « suspended to the glances », « coarse » and « refined », « submitted to his genre » and « interpreter of a personal dance », « slave » and « creator ».«
Sophia El Mokhtar, « La Bambina »
« J’ai toujours pensé plus ou moins consciemment que notre enjeu, à nous les femmes, pour être véritablement au monde, reposait sur notre capacité à nous visualiser comme des êtres pénétrants ; se voir soi-même en capacité de pénétrer des gens et des lieux, d’imposer sa présence, cela ne veut pas dire écraser l’autre par une posture hautaine (que nenni!) mais plutôt se visualiser comme des êtres bien là, et un peu au-delà du “là”. »
« I have always thought, more or less consciously, that what is at stake for us women to truly be in the world is our ability to visualize ourselves as penetrating beings; to see ourselves as being able to penetrate people and places, to impose our presence, does not mean crushing the other with a haughty posture (no way!) but rather to visualize ourselves as being there, and a little beyond the « there ».«
Sophia El Mokhtar, « La Bambina »
« À mort, la discrétion ! Et vive, la pointe de vulgarité !«
« Death to discretion ! And long live the point of vulgarity ! »
Sophia El Mokhtar, « La Bambina »
« Et je reviens sur la notion de marquage de territoire, pisser dans l’espace public étant, non pas un désir personnel mais un objet conceptuel aidant à la visualisation, plutôt parfait : sois ce chien qui pisse partout pour que les autres sachent que tu existes, marquons le territoire, envahissons-le, faisons-le déborder de nous, imposons-nous, pour raconter nos existences.«
« And I come back to the notion of marking territory, peeing in the public space being, not a personal desire but a conceptual object helping visualization, rather perfect: be that dog that pisses everywhere so that others know that you exist, let’s mark the territory, let’s invade it, let’s make it overflow from us, let’s impose ourselves, to tell about our existences. »
Sophia El Mokhtar, « La Bambina »
« C’est bien ce que je vois de moi lorsque je performe. Je me vois à chaque fois en conquérante de nouveaux espaces, en exploratrice de territoires réservés, pour cela la vulgarité est une alliée. Elle me rappelle qu’il faut pénétrer ardemment le monde sinon se cacher puis mourir.«
« That’s what I see of me when I perform. I see myself each time conquering new spaces, exploring reserved territories, for this vulgarity is an ally. It reminds me that one must ardently penetrate the world or else hide and then die. »